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Malgré la différence d’énergie motrice, Dakar et Route du Rhum se ressemblent plus qu’il n’y paraît. Horizons lointains et destins parallèles – Histoire et histoires du premier Paris-Dakar à la Route du Rhum de 1978, à nos jours.
Horizons lointains et destins parallèles
26 décembre 1978, 182 véhicules s’élancent de la place du Trocadéro vers la même destination, Dakar. Quelques semaines plus tôt, le 5 novembre, 38 skippers solitaires ont hissé les voiles à Saint-Malo, cap sur Pointe-à-Pitre. Pilotes et marins ont osé les dernières aventures d’une époque moderne aseptisée et allergique au risque.
Les participants ne savent pas encore que ces événements deviendront de véritables mythes, des compétitions que les meilleurs voudront faire figurer à leur palmarès, mais aussi des rendez-vous qui fascineront les foules et mobiliseront tous les médias. Leurs promoteurs, Thierry Sabine et Michel Etevenon apportent une part de rêve à un public auquel la banalité de la vie quotidienne ne suffit plus.
Bientôt, certains aventuriers céderont aux charmes des deux épreuves.
Laurent Bourgnon, pilote sur mer et sur terre
« Mener un bateau de course moderne, c’est du pilotage », affirme Laurent Bourgnon. Le skipper sait de quoi il parle. Double vainqueur de la Route du Rhum (1994 et 1998), Laurent a fait partie des meilleurs skippers du monde. Il a remporté de nombreuses épreuves, en solitaire comme en équipage aux commandes de son trimaran Primagaz. Nombreux sont ceux qui se rappellent encore ses départs spectaculaires au large de la Côte d’Émeraude, son trimaran naviguant sur une coque dans un équilibre voisin du dérapage contrôlé par un pilote automobile flirtant avec les limites de l’adhérence.
Laurent aime tout ce qui procure des sensations, l’ULM, l’avion, et naturellement les voitures de course. Il s’est essayé au Challenge Andros au début des années 90. Le garçon va vite. Après sa deuxième victoire à la Route du Rhum, il travaille à un projet audacieux, la mise en chantier d’un multicoque de 38 mètres pour battre des records et participer à de futures épreuves qui réuniront des bateaux géants. En attendant, il se laisse tenter par un premier Dakar en 1999. Le véhicule ne passera pas inaperçu. A la base, il s’agit d’un Nissan Patrol préparé par André Dessoude, surnommé le « Tabarly des sables ». Par contre, ce qui est inédit, c’est l’aménagement en camping-car réalisé par Pilote, un des leaders du marché de ces véhicules destinés aux vacanciers. Le Nissan que Laurent partagera avec Guy Leneuveu reçoit un aménagement comprenant une surélévation pour accueillir une couchette de toit, une kitchenette et des toilettes. Une opération de communication judicieuse pour la marque Pilote qui utilise un nouveau message publicitaire, « Habiter la planète ».
« C’était sympa mais inachevé, commentera Laurent plus tard. J’avais été entraîné au dernier moment par un type qui m’avait séduit. J’ai découvert la voiture au départ, à Granada. » L’équipage ira tout de même au bout et terminera à la 51ème place. Pas si mal pour une première avec un véhicule plus lourd et moins aérodynamique que ses rivaux ! Cette première expérience a fait naître chez Laurent Bourgnon l’envie de revenir.
« Alléché, j’ai donc remis ça en prenant le temps de la réflexion. Expliquera-t-il. Le rallye-raid, et le Dakar en particulier, relève de l’aventure tout autant qu’un Vendée Globe. Dans toute aventure il y a trois personnages : l’élément, la machine et soi. L’élément, ici, c’est le sable; il faut l’apprivoiser. C’est comme une mélodie qu’on se met dans la tête par rapport au tracé, à la boîte, au moteur, à ses propres capacités. Une alchimie délicate qui requiert du métier et du doigté. » - Laurent Bourgnon, pilote automobile et skipper
Laurent reviendra donc en 2000, 2001 et 2002. Il terminera respectivement 13ème, 10ème et 13ème de ces éditions. Il devra abandonner lors de sa cinquième participation en 2005 sur un buggy à cause de problèmes d’embrayage.
Indirectement, le Dakar lui a aussi fourni l’occasion de participer au fameux Rallycross de Lohéac. C’était en 2000. L’idée naîtrait d’une discussion avec Michel Gambillon pendant le rallye. Le week-end des 2 et 3 septembre suivants, Laurent Bourgnon s’alignerait à Lohéac au volant d’une Citroën ZX 4 roues motrices engagée en D1. L’auto était une des voitures de Michel Gambillon qui pilotait quant à lui une nouvelle Xsara. La ZX était une vraie machine de course, une voiture d’homme. Elle développait 500 chevaux. Laurent n’éprouvera aucune difficulté à la maîtriser et confirmera ses qualités de pilote. Qui sait si nous ne le reverrons pas un de ces jours derrière le volant d’un bolide ?
D’autres coureurs au large se sanglent dans le baquet
Ami et parfois équipier de Laurent Bourgnon sur mer, Philippe Monnet s’est aussi mis en évidence sur quatre roues. Le marin s’est toujours intéressé à la course automobile et à ce que les technologies qui y étaient développées pouvaient apporter aux voiliers de course. Il comptait d’ailleurs étudier un projet en ce sens avec Didier Pironi. La disparition du champion de Formule 1, le 23 août 1987 ne permit malheureusement pas aux deux hommes de travailler sur ce dossier.
Philippe Monnet souhaite connaître les sensations du rallye. Comme navigateur – sans jeu de mots – d’abord. En 1992, il est l’équipier d’Hubert Auriol, grand spécialiste du rallye-raid. Il ne perdra pas le Nord et indiquera le bon cap à son pilote, celui qui inscrira leur Mitsubishi sur la trajectoire de la victoire.
Le skipper goûtera une nouvelle fois aux joies de la plus haute marche du podium sept ans plus tard. Cette fois, il sera l’équipier de Jean-Louis Schlesser à bord du buggy développé par l’ex pilote Mercedes en endurance. Les spectateurs de la Route du Rhum 1998 n’oublient pas que Jean-Louis était venu lui apporter son soutien sur les pontons de la Cité corsaire.
Nouvelle étape en 2007. Philippe Monnet ne se contente plus de guider un des favoris. Il prend le volant d’un buggy SMG (Speedy-Mobil-Gache).
« Cela fait 20 ans que je rêve de faire le Dakar au volant d’un véhicule en tant que pilote. explique-t-il alors. C’est en voyant monter le buggy dans le camion qui allait l’acheminer à Lisbonne que je me suis dit qu’il fallait savoir être patient pour aller au bout de ses passions. Pour pouvoir m’aligner sur la ligne de départ au volant de mon propre véhicule, j’ai appris pendant de nombreuses années aux côtés des plus grands coureurs. Je pense désormais connaître les particularités de cette épreuve mythique, ainsi que quelques ficelles grâce à mes participations en tant que navigateur aux côtés de champions tels que Hubert Auriol ou Jean-Louis Schlesser » - Philippe Monnet, sportif, équitation, navigateur, pilote de rallye et écrivain
La couse est difficile et le coureur connaît son lot de crevaisons et problèmes mécaniques. Il montre cependant sur les secteurs chronométrés où les ennuis ne l’accablent pas qu’il n’a pas à rougir de ses performances. L’étape 8 se transforme hélas en naufrage.
« Malheureusement, je ne suis pas arrivé en temps et en heure pour pouvoir repartir et je suis hors-course, regrette-t-il … C’est vraiment dommage car je commençais à avoir l’auto bien en main et je m’amusais… J’ai cassé à nouveau un triangle dans la spéciale qui ralliait Atar et passer les dunes sur trois roues, ce n’est pas facile ! Le camion d’assistance est venu me chercher mais il a eu du mal à traverser les dunes… Quand on y est arrivé, c’était trop tard. »- Philippe Monnet, lors du Paris-Dakar
La passion de la course reste toutefois intacte.
Parmi les coureurs au large tentés par le Dakar, nous n’oublierons pas Lionel Péan, Alain Gabbay et Loïck Peyron. En 1998, le Baulois prit le départ en qualité d’équiper de Jean-Pierre Jaussaud sur une Lada. Lada Poch était le sponsor de Peyron pour son activité de coureur au large. L’équipage fut contraint à l’abandon.
L’arrivée des benjamins
La Route du Rhum et le Dakar sont des épreuves longues et difficiles qui requièrent de la passion, de l’endurance, un sens de la gestion d’une course, de l’expérience. On y attend des pilotes qui ont déjà construit un palmarès. Pas si sûr pourtant que la valeur attend le nombre des années. L’histoire du sport automobile a enregistré les exploits fabuleux de très jeunes pilotes. Les frères Pedro et Ricardo Rodriguez avaient 21 et 19 ans lorsqu’ils devancèrent les Ferrari d’usine jusqu’à quelques encablures de l’arrivée aux 24 Heures du Mans. Qui doute sérieusement que Max Verstappen démontrera aux quelques ronchons prématurément vieillis jusqu’à l’obsolescence des neurones qu’il a sa place dans la discipline dite reine, la F1 ?
En 2014, Paul Hignard, un navigateur de 18 ans, a décidé de devenir le plus jeune skipper de l’histoire de la Route du Rhum. Paul s’est lancé dans une opération audacieuse dont le succès n’était pas évident. Efficacement soutenu par Augustin Drion, un autre jeune homme efficace qui s’est chargé des relations partenaires et des relations publiques, le benjamin de la course a réussi à trouver le financement nécessaire à la transformation de son rêve en réalité. Un crowdfunding réussi et la force de convaincre des sponsors plus importants ont bouclé le budget, via Fosburit.
Le 2 novembre 2014, Paul Hignard était au départ de la Route du Rhum à la barre de Bruneau, un monocoque Classe 40. Mieux, il ralliait Pointe à Pitre au terme d’une traversée aux allures de roman d’aventures. Au fil des chapitres, des conditions météorologiques inquiétantes au départ et surtout, un mât cassé quelques jours avant l’arrivée tenaient ses supporters en haleine. Le mât brisé, une avarie gravissime qui aurait conduit plus d’un vieux loup de mer à l’abandon. Mais pas Paul qui, avec une ingéniosité et un courage remarquables, a bricolé un gréement de fortune grâce auquel il s’est classé honorablement dès sa première Route du Rhum.
Route du Rhum : Paul Hignard touche au but #RDR2014
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— France 3 Bretagne (@france3Bretagne) 27 Novembre 2014
Une fois de plus, l’histoire du Dakar suit une trajectoire parallèle à celle de la Route du Rhum. Le plus célèbre des rallye-raids accueille cette année Jorge Lacunza, un motard argentin de 18 ans qui ambitionne de finir sa première course à ce niveau à un bon classement. Jorge a appliqué des recettes pas si éloignées de celles de Paul. D’abord une souscription dans sa région, puis la chasse aux sponsors, la signature d’un partenariat avec une chaîne de supermarchés, et ensuite le départ au guidon d’une KTM 450.
The youngest competitor is @JorgeeLacunza (ARG), a 18 years old bike rider! pic.twitter.com/rXkoGk7AtN
— DAKAR RALLY (@dakar) 19 Novembre 2014
On dirait bien que, nées la même année, le Dakar et la Route du Rhum négocient un nouveau virage, la révélation de futurs animateurs de leurs disciplines respectives !
Source et images
Passion-Dakar.com, TL Photos, via Thierry Le Bras
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