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Quelques souvenirs de l’Audi Quattro en compétition et quelques photos années 1980


Privilège ou drame de l’âge, j’appartiens à une génération de passionnés de course automobile qui ont vu des Audi Quattro en action.

Au plan du design des versions rallye, la Quattro s’inscrivait dans la tendance de la seconde moitié des années 70 et du début des années 80. Les voitures développées en vue de la compétition dans des versions groupe 4 puis groupe B adoptaient un look silhouette rappelant une auto de série. Fini le temps des bijoux dérivés de GT deux places telles la Porsche 911, les Alpine Berlinette ou A 310, les Lancia Stratos. Bienvenue aux Ford Escort 1800 RS, Fiat 131 Abarth, Opel Kadett GTE ou Manta 400, Sunbeam Talbot Lotus…

Audi GT groupe 2 - Preparation Henri Lotterer - 1982 - Hockenheim - photo-Thierry Le Bras

Audi GT groupe 2 – Preparation Henri Lotterer – 1982 – Hockenheim – photo-Thierry Le Bras

Comme ses concurrents sur les marchés mondiaux, Audi choisit un dessin qui rappelle sans ambigüité une de ses voitures phares. Ce sera celui de l’Audi 80 décliné dans une superbe version coupé GT (base 80 B2) à partir de 1981.

L’Audi Quattro ne cherchait pas à atteindre l’élégance d’une Ferrari 308 groupe 4 ou l’aspect extra-terrestre d’une Lancia Stratos. Pourtant, elle reflétait la beauté par chaque centimètre de sa carrosserie. Sans oublier la robustesse, l’indestructibilité, la certitude d’imposer sa puissance, sa force irrésistible. La course automobile est parfois comparée à un sport de combat. Si je devais comparer la Quattro à un boxeur, je choisirais évidemment le poids lourd Mike Tyson, celui qui apparut longtemps invincible, hors de portée, inaccessible à l’adversaire.

Audi Quattro - groupe B - Rohrl - Mikkola - 1984 - Aix-les-Bains - photo Thierry Le Bras

Audi Quattro – groupe B – Rohrl – Mikkola – 1984 – Aix-les-Bains – photo Thierry Le Bras

J’ai eu l’occasion de voir des Audi Quattro en action à diverses occasions. La grosse groupe B allemande n’apparut pas souvent sur les routes du championnat de France des rallyes et encore plus rarement au départ d’épreuves routières françaises sur bitume hors championnat. Probablement parce qu’une bonne préparation coûtait trop cher. Par contre, des privés ont fait gagner des Quattro en Rallycross, je pense notamment à Caty Caly. Car Malgré sa force virile la Quattro fut aussi une voiture de femmes. Caty Caly et Michèle Mouton le démontrèrent brillamment.


Philippe Kruger tente l’expérience Quattro en Championnat de France des Rallyes

Philippe Kruger s’était déjà illustré en rallye, notamment au volant de Golf GTI et de Talbot Lotus. En 1982, chaque manche du championnat comportait des ES sur terre et d’autres sur bitume. Le pilote lorrain choisit de s’engager avec une Audi Quattro groupe B. Il espérait vraisemblablement profiter des spéciales sur terre pour devancer largement ses principaux rivaux qui piloteraient des Porsche et R5 Turbo deux roues motrices.

Philippe Kruger - Audi Quattro groupe B - 1982 - Rallye de Touraine - photo Thierry Le Bras

Philippe Kruger – Audi Quattro groupe B – 1982 – Rallye de Touraine – photo Thierry Le Bras

J’ai suivi le Rallye de Touraine cette année-là et la Quattro de Philippe Kruger faisait partie des voitures que j’attendais avec curiosité et impatience. Ce d’autant que je savais le pilote rapide sur tous les terrains. Hélas, si la voiture était superbe, elle restait loin de la préparation des machines d’usine. Malgré une belle attaque, le pilote lorrain ne pourrait jamais faire jeu égal avec les Porsche de Béguin, Fabre et Deyraut qui monopoliseraient le podium.

De tous temps, certaines voitures firent le bonheur des pilotes privés en rallye. Ce fut par exemple le cas de la Berlinette Alpine dans ses versions groupe 4 et groupe 5, des Porsche groupe 4 puis groupe B et groupe F, des Talbot Lotus groupe 2, des R5 Turbo groupe B, des BMW M 3 groupe A et groupe F, et de bien d’autres encore. La Quattro ne remplit pas cet objectif. Sans doute trop chère à préparer. Quant à Philippe Kruger, il ne poursuivit pas l’expérience Quattro qui ne lui apportait pas les résultats espérés malgré son excellent coup de volant. Il enrichit plus tard son palmarès au volant de nombreuses autres bêtes de course parmi lesquelles des Samba groupe B, Toyota Celica GT 4, BMW M3…


La Quattro écrase tout au Monte-Carlo 1984

Pour la première fois, je voyais des Audi Quattro Groupe B officielles. J’ai eu le temps de les admirer au parc de regroupement d’Aix les Bains, avant la première épreuve chronométrée du parcours commun.

Audi Quattro - groupe B - Mikkola - 1984 - Aix-les-Bains - photo Thierry Le Bras

Audi Quattro – groupe B – Mikkola – 1984 – Aix-les-Bains – photo Thierry Le Bras

Il faisait un temps de chien. Une pluie battante et ininterrompue au début de la soirée. Les carrosseries mouillées scintillaient comme des guirlandes de Noël sous la lumière des projecteurs et des flashs. Les Quattro de Röhrl, Mikkola et Blomqvist confirmèrent le sentiment que m’avaient inspiré les modèles de série ou ceux préparés par des équipes privées. Des poids lourds à côté de poids moyens.

Rohrl Audi - Quattro groupe B - 1984 - Rallye Monte-Carlo - photo Thierry Le Bras

Rohrl Audi – Quattro groupe B – 1984 – Rallye Monte-Carlo – photo Thierry Le Bras

Après quelques photos du parc, nous sommes partis avant la fermeture de la route nous installer au bord de la première spéciale disputée de nuit. Il s’agissait du tronçon Veniper – Le Feclaz, long de 14 kilomètres. Nous avons repéré un coin sympa, un gauche avant un petit pont au bas d’une descente. Il ne restait plus qu’à attendre les voitures.

Avec l’altitude, la pluie s’était transformée en neige. La route devenait une patinoire. Cette édition du Monte-Carlo resterait dans les mémoires comme un rallye couru dans des conditions très hivernales. Et là, les Audi terrassèrent leurs rivales. Sur le sec, sans doute les Lancia 035 et R5 Turbo auraient-elles donné du fil à retordre aux grosses allemandes. Les voitures de Röhrl, Blomqvist et Mikkola, seules 4 roues motrices du groupe B il est vrai, arrivèrent dans la descente dans des vrombissements sourds. Elles restèrent en ligne quand leurs pilotes freinèrent avant le virage du petit pont. Les réaccélérations ne provoquèrent ni dérobades du train arrière, ni patinages. Les Audi Quattro reprenaient tout de suite de la vitesse, presque comme si elles roulaient sur le sec. Impressionnant. A l’inverse, les Lancia et R5 Turbo chahutaient au freinage et se mettaient à l’équerre en sortie de virage dès que le pilote touchait l’accélérateur. Sur la neige, les Quattro et les 2 roues motrices ne boxaient pas dans la même catégorie. Avec cette météo, les Lancia et les Renault n’avaient aucune chance. Elles étaient surclassées par beaucoup plus fortes qu’elles.

Le classement du rallye de Monte-Carlo 1984 confirma l’impression visuelle. Les trois Quattro groupe B engagées raflèrent les trois premières places du général. La 80 Quattro de Darniche remporta le groupe A. Une autre 80 Quattro, celle de Bos, s’imposa en groupe N. Les adversaires d’Audi n’avaient pas existé sur le ring de la course. Audi l’emportait par KO dans toutes les catégories.


Une Audi 80 Quattro au rallye d’Armor 1984

Le 1er mai suivant, je me rends au Rallye d’Armor disputé dans la région de Saint-Brieuc. Un rallye que je tiens à suivre car plusieurs copains y sont engagés.

Guerbois - Audi 80 Quattro Groupe N - 1984 - Rallye Armor - photo Thierry Le Bras

Guerbois – Audi 80 Quattro Groupe N – 1984 – Rallye Armor – photo Thierry Le Bras

Parmi les concurrents du groupe N, l’Audi 80 Quattro de Guerbois. Si le système Quattro se révèle formidablement efficace sur la neige, le verglas et sous la pluie, il présente un inconvénient sérieux lors des épreuves sur bitume courues sur le sec, son poids. Les 80 Quattro groupe N n’ont jamais été légions dans les rallyes traditionnels. A l’Armor 1984, le pilote de celle-ci dut vraiment « aller au boulot » pour conquérir un classement honorable. Normal, diront certains. Ce rallye se disputait non un week-end, mais le lundi 30 avril et le mardi 1er mai, jour de la fête du travail ! Guerbois et son Audi 80 Quattro groupe N monteront finalement sur la seconde marche du podium de leur catégorie. Le vainqueur, Guillotin, pilotait une voiture de la marque sœur, une VW Golf GTI !


La panthère rose s’installe dans le baquet d’une Audi Quattro en Rallycross

Look carré, grosses ailes agressives, musculature de poids lourd, l’Audi Quattro groupe B allait-elle accompagner « La marche des machos » illustrée par le tube de Karen Cheryl ? Non, car la Quattro contribua au contraire à mettre en valeur le talent de femmes pilotes. Ce fut à son volant que Michèle Mouton remporta quatre manches du Championnat du monde des rallyes (San Remo 1981, Portugal 1982, Acropole 1982, Brésil 1982).

Michèle Mouton Audi Quattro groupe B - 1982 - Rallye du Brésil - photo Audi Sport

Michèle Mouton Audi Quattro groupe B – 1982 – Rallye du Brésil – photo Audi Sport

En 1982 justement, Michèle termina deuxième du Championnat du monde après avoir inquiété Walter Röhrl jusqu’à la dernière manche. Trois ans plus tard, elle remportait la fameuse course de côte de Pikes Peak, toujours avec une Audi Sport Quattro.

Une autre pilote française allait bientôt l’imiter. Flash-back sur la saison 1987. En rose et noir, la superbe Caty Caly défie les gros bras du Rallycross. Retour sur une marche décisive de sa carrière de pilote. La jeune femme a déjà brillé en remportant le titre de Championne de France 1985 de Rallycross avec une Golf GTI. « Le jour de la remise des prix organisée par la FFSA, je suis montée sur le podium avec Alain Prost qui venait de gagner son premier titre en F1, raconte-t-elle. Un beau souvenir. » De quoi booster les ambitions !

Caty Caly -  Audi Quattro groupe B - 1987 Rallycross Loheac - photo Thierry Le Bras

Caty Caly – Audi Quattro groupe B – 1987 Rallycross Loheac – photo Thierry Le Bras

Maintenant qu’elle a fait ses preuves, Caty souhaite passer à l’échelon supérieur. Elle reste fidèle aux voitures du préparateur belge Lionel Dhondt. Après une Audi 90 en 1986, elle se lance dans le grand bain des Groupe B en 1987.

Place à la fabuleuse Quattro de la marque aux anneaux. « Je l’ai essayée sur 3 ou 4 tours de circuit en Belgique, j’ai fait une séance de prise en main à Mayenne, et me voilà au départ de la première course. » Caty se bat contre une concurrence huppée. Jacques Aïta (Audi Quattro), Jean-Baptiste Point (Peugeot 206 T16), Roussel (Renault 5 T 4X4), ne se montrent pas galants au point de la laisser les devancer sans réagir. Les départs étaient foudroyants, s’enthousiasme Caty. J’avais l’impression d’être sur un aéroglisseur. »

« La voiture se levait puis s’écrasait en prenant de la vitesse. Je me battais devant et c’était très sympa. En plus, c’était une voiture costaud, robuste, qui procurait une impression de sécurité fantastique. Les autres pouvaient rentrer dans les portières, je ne craignais rien. » - Caty Caly, pilote

De fait, dans l’atmosphère round jusqu’au gong ou au KO qui caractérise la course automobile, Caty doit se faire respecter. Elle y parvient très bien. « A une course, je me suis bagarrée très fort avec un autre pilote qui a fini par me balancer en tonneau. Le week-end suivant, je l’ai prévenu que je ne me laisserais pas faire. Il quand même essayé de me pousser et c’est lui qui est sorti. »

Caty conserve un excellent souvenir de la Quattro et de ses années Rallycross. « Surtout à cause du public, précise-t-elle. C’était fabuleux. Je n’ai jamais signé autant d’autographes. » Avec l’Audi Quattro, Caty Caly sera vice-championne de France de Rallycross en 1987.


Quelques liens :

Présenation DESIGNMOTEUR : Audi quattro : de l’origine ,ur-quattro’ 4-Wheel Drive turbo & Audi Quattro, sa trajectoire en compétition, en championnat de rallye jusqu’à Pikes Peak

Rallye 1984 : quand Monte-Carlo rime avec convivialité ! sur CIRCUITMORTEL


Thierry Le Bras


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Team Principal CIRCUITMORTEL, Classic Car Team Specialist DESIGNMOTEUR - Auteur de chroniques, récits, biographies, nouvelles, romans, il est aussi le créateur et le principal rédacteur des blogs « Circuit mortel » et « Polars, sports et légendes ». Ancien pilote automobile amateur, il participe toujours à des opérations de communication autour du sport. Ses autres centres d’intérêt, la photo (surtout d’automobiles), le vintage et la communication judiciaire.

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